Dites, je vous ai déjà dit que je suis lecteur de
Dune, je crois ? Vous savez, le chef-d’oeuvre immortel de la SF ? Oui, voilà,
ce livre-là, et ses suites écrites par le
Maître Frank Herbert en personne (les préquelles et autres séquelles voire interquelles produites par deux autres personnages ne présentant guère d’intérêt science-fictif).
Dune est un roman de SF exigeant qui, s’il adopte volontiers les codes de genres plus anciens (le
space-opera, en SF, mais aussi le roman d’apprentissage, en
littérature blanche), a inventé ses propres codes et constitue, en fait, l’archétype du roman herbertien. Je suis convaincu que l’évolution des idées suit des lois semblables à celles de l’évolution des espèces : il arrive, de temps en temps, qu’émergent de nouvelles formes jamais vues auparavant – et il est indiscutable que
Dune est une forme nouvelle en littérature. Fiction sociale, bien sûr – mais aussi et surtout, fiction sur le langage.
On ne prête jamais assez attention au langage. L’un des préjugés les plus répandus par rapport au langage – et contre lequel doivent se battre au quotidien les professeurs de langues vivantes – c’est cette idée selon laquelle « ça serait plus simple si tout le monde parlait la même langue » (variante : « pourquoi les étrangers se fatiguent-ils à parler étranger alors que le français est une langue si simple ? »). Mais derrière cette idée si simpliste qu’elle ne peut qu’amener à faire rire, se cache un autre préjugé, d’autant plus grave qu’il n’est jamais formulé d’une façon explicite : on se rend bien compte que c’est honteux, et pourtant, on aime continuer à croire y compris à l’âge adulte que l’autre, par essence, comprend mal, ou s’exprime mal, à moins que ça ne soit les deux, et que dans tous les cas c’est sa faute s’il ne perçoit pas la clarté que soi-même on perçoit dans sa propre pensée. « Je me comprends » : aveu terrible, et terrifiant, de l’absence de volonté à se faire comprendre.