Le Peuple de Dune (07)


Le destin est écrit dans le vent

Et personne ne peut prévoir

Quand le vent va changer.

— Grand livre de la sagesse perdue.


Les rayons jaunâtres du second soleil descendaient lentement à l’horizon. Le soir tombait sur le domaine de la maison mineure Lithanian. Une planète secondaire, terres de chasse, et vivant du commerce de l’ivoire Bochan, prisé dans des millions de mondes par les artisans et les nobles pour son élégance et son contact. Zylves traversait rapidement l’atrium de la demeure ancestrale des Lithanian. Sans le moindre regard pour le bassin où nageaient des poissons exotiques, ni pour les statues de marbre des illustres ancêtres familiaux.

Il avait revêtu à la hâte son uniforme noir aux coutures dorées, paré des seuls insignes de la Maison, un tigre Bochan doré en position d’attaque. Son regard bleu trahissait son irritation. Les convocations inopinées du Vicomte se faisaient de plus en plus fréquentes. Comme si l’opinion de son maître d’arme pouvait être importante pour ce serpent imbu de lui même. Il se pressa devant la porte de la grande salle d’audience, et deux gardes en livrée se mirent au garde à vous avant de lui ouvrir la double porte.

Il lui fallut encore quelques pas pour atteindre le centre de la salle en marbre vert, où se tenaient les trônes du Vicomte et de son fils. Les deux hommes avaient les cheveux du même blond et les yeux du même vert. La ressemblance s’arrêtait la. Le vicomte avait les traits anguleux et durs, un nez crochu et un regard perçant. Son fils, Ildar, du haut de ses vingt ans arborait le visage doux de sa mère, affichant en permanence un air blasé, sous ses longs cheveux.

Toutes les tentatives de son père pour l’inciter à s’investir dans la politique de sa maison s’étaient soldées aux mieux par des demi-échecs. Le jeune héritier ne faisait pas mystère de son hostilité envers les velléités grandiloquentes de son géniteur. Le vicomte Aziel Lithanian congédia son chambellan d’un geste rapide de la main, puis toisa son maître d’armes qui le saluait respectueusement. Quand ce dernier releva la tête il lança de sa voix cassante :

– Zylves Thira, nous avons à vous confier une mission qui vous changera de l’entraînement de notre brillante garnison.

– Je vous écoute mon seigneur, répondit-il en espérant que son ton contenait suffisamment de soumission pour plaire au Vicomte.

– Depuis des mois nous envoyons de dévoués travailleurs au service de l’empereur sur ce bout de roche couvert de sable… comment? …

– Arrakis, père, intervint Ildar.

– Arrakis. Et ces hommes nous ont fait parvenir divers rapports sur la situation là bas. Nous y avons vu pour notre maison une opportunité sans précédent.

– Sans précédent? Vraiment père? Il me semble avoir entendu la même chose lors de la révolte sur Wallach? Coupa son fils.

Le vicomte se tourna vers lui et lui asséna une gifle retentissante avant de revenir dans sa position initiale. Ça recommence, pensa Zylves, pourquoi doit-il toujours faire étalage de sa discipline familiale? Il ne sortira à nouveau rien de cet entrevue.

– L’épice, reprit le maître de la maison Lithanian, l’Empereur et la Guilde se la disputent comme des chiens pour un os.

Zylves s’imagina un instant se lancer à l’assaut des légions de sardaukars stationnées sur Arrakis, à cause d’un délire de son vicomte. Il réprima un frisson.

– L’exploitation de la planète est essentielle pour l’Imperium. Imaginez un instant que le Landsraad décide que l’Empereur n’est pas à même d’assurer le flot de l’épice. À coup-sûr son monopole d’exploitation serait démantelé au profit de maisons compétentes.

– Et bien sûr il est évident que notre maison tellement douée dans la production de manches de sabres en ivoire sera la première à se voir attribuer une mission d’extraction, dit Ildar, sur son habituel ton sarcastique.

Une seconde gifle claqua dans le silence de la salle d’audience. Quand le Vicomte reprit la parole, sa voix était froide et tranchante.

– Vous allez vous rendre sur Arrakis pour organiser une exploitation irrégulière où vous commercialiserez l’épice, et ce le plus discrètement, cela va sans dire.
– Moi mon seigneur, répondit Zylves interloqué, un contrebandier? Mais, qu’adviendra-t-il de mes tâches courantes?

– L’entraînement de nos troupes sera confié aux officiers, et les ressources que nous apporteront votre mission nous permettront de pallier autrement à votre absence.
L’idée du vicomte Lithanian commençait à faire jour dans l’esprit du maître d’armes?

– Mais les stocks d’épice sont interdits par la loi impériale?

– Il ne sera pas question de le stocker, mon cher, répondit laconiquement le vieil homme perché sur son trône avec un sourire.

À nouveau on ne lui confiait rien des plans. La philosophie de la maison était clairement «moins on en sait, moins on risque de parler». D’une certaine façon, l’idée de devoir devenir illégalement un prospecteur de mélange l’horrifiait encore plus que de combattre les Sardaukars. Mais il était le maître d’armes de la maison Lithanian depuis des années déjà, malgré sa jeunesse relative. Et les paroles du Vicomte faisaient loi.

– Vous trouverez dans vos quartiers toutes les informations dont vous aurez besoin. Installez sur Arrakis une base discrète, et vos premiers clients vous trouveront d’eux même. Vous avez six mois standard, et tous les crédits qui vous seront nécessaires.

– Mais?

– Le transporteur de la guilde arrivera en orbite demain, coupa Aziel, votre navette décolle à l’aube. Vous pouvez disposer.

Zylves déglutit péniblement, salua, puis tourna les talons et se dirigea vers la sortie.

– Et bonne chance, lança la voix moqueuse de l’héritier dont la joue n’avait même pas rougi.

Le lendemain matin, il serrait dans sa main gauche son seul bagage, en attendant l’arrivée de la navette de transit. Il avait passé la nuit à compulser les données mises à sa disposition, et il mettrait la durée du voyage à profit pour faire de même. Les relevés météo l’avaient particulièrement désespéré. Aussi il goûtait une dernière fois au vent frais chargé du parfum des forêts. Les pans de son simple manteau noir dépourvu de signe distinctif voletèrent autour de lui quand la navette atterri à quelques pas. Résolu, il embarqua, s’installa a coté d’un gros négociant d’ivoire et fit signe au pilote qu’il était le seul passager à embarquer ici. Les suspenseurs de la navette se remirent en route, faisant gémir la carlingue, puis les propulseurs s’allumèrent.

Il y eut encore quelques arrêts avant que le pilote n’annonce enfin qu’ils allaient gagner le transporteur de la Guilde. La navette s’engagea dans un cargo qui lui même s’amarra dans un des titanesque dock du long-courrier. Zylves ne pouvait pas se départir d’une désagréable sensation de gigogne. Il quitta rapidement la navette pour s’installer dans une des salles privées mise à la disposition des passagers aisés du cargo, et se replongea dans ses documents codés. Il ne sentit même pas l’imposant vaisseau se mettre en mouvement. Il s’efforçait juste de ne pas penser à ce qu’il laissait derrière lui.

Il consulta les plans sommaires et les listes de noms, s’intéressa aux nomades Zensunni, lut et relut les protocoles de rationnement de l’eau et surtout les rapports sur les modes d’extraction. Un shéma d’organisation commençait à poindre dans ses pensées, il avait besoin d’une poignée d’hommes, de matériel, et surtout d’une cachette.

Le voyage dura plusieurs jours en raison des nombreuses escales du long courrier. Quand il pu contempler Arrakis par la baie de transparacier de sa cabine, il cherchait futilement un nom à la bande qu’il allait devoir créer.

 


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Le Peuple de Dune (06)


L’adaptation à un milieu est à la fois un art et une science.

Souvent, elle devient une nécessité de survie.

— Coda Bene Gesserit.


Marge se trouvait déjà à bord du long courrier qui allait quitter Wallach IX d’un moment à l’autre pour Arrakis. Elle était entourée de gens parmi les plus pauvres de diverses planètes. Ils avaient donné toutes leurs dernières économies à la Guilde pour avoir le droit de gagner Arrakis, leur dernier espoir. S’ils parvenaient à se faire engager par les contremaîtres qui supervisaient la récolte d’épice pour l’Imperium, ils réussiraient enfin à assurer la subsistance et même un certain confort pour leur famille, qu’ils auraient pourtant peu de chances de revoir un jour. Un sacrifice courant en cette époque de nombreux remaniements politiques. Il ne se passait pas trois ans sans changements profonds de régime, aux niveaux les plus élevés même de l’Empire.

Marge, avec sa cape délabrée et son allure fragile, n’avait eu aucun mal à se fondre parmi eux. Il en serait de même avec ces Vagabonds Zensunni, qu’elle comptait bien observer quelque temps avant de les rejoindre. Elle avait le visage à moitié couvert par sa capuche et s’était mise un peu à l’écart du groupe des voyageurs. Elle avait endossé l’apparence d’un personnage sombre et mystique. Les voyageurs la regardaient avec crainte avant de détourner le regard, et c’était ce qu’elle voulait.

Lorsque tout ce monde fut enfin rentré, une voix rauque se fit entendre via un interphone, sans doute celle d’un représentant de la Guilde. Les voyageurs se turent tandis que la voix annonçait le départ du long courrier pour Arrakis. Quelques secondes après la fin du discours reprenant les règles de sécurité habituelles, le Guildien avait déjà pris le contrôle de l’énorme vaisseau et se concentrait pour plier l’espace. Toutes les personnes à bord ressentirent alors le frisson caractéristique, que peu semblaient connaître.

Peu de temps après la mise en orbite du long courrier, Marge et les voyageurs, heureux d’être si proches de leur but, prirent place dans une navette qui effectuait les aller-retours entre la plate-forme d’Arrakeen et les longs courriers en orbite. Ce trajet prit plus de temps que pour traverser les années-lumières qui séparent Wallach IX d’Arrakis. Le débarquement se fit sans problème à la plate-forme. Marge, avec son unique petit sac suivit le groupe qui fut accueilli par une rangée de sardaukars tout harnachés. Le capitaine prit la parole :
– Je suis le capitaine Sandhor, chargé d’accueillir toute personne arrivant sur cette planète. J’ai été informé récemment de votre arrivée, et que vous proveniez de mondes différents et désiriez être engagés au service de l’Imperium en échange de logements et du minimum vital, ainsi que le salut matériel des familles que vous avez laissées. Sachez que celui-ci vous est acquis dès aujourd’hui (une clameur salua la nouvelle) ; je vous invite donc à nous suivre !

Tous les voyageurs suivirent le capitaine dans un murmure, entourés des autres sardaukars. Il les emmenait vers la cité d’Arrakeen, à travers le quartier Est, où tous les Zensunni affectés à cette région avaient été installés. Marge en reconnut quelques-uns, méfiants à la vue des sardaukars ils se retiraient dans les zones d’ombre comme pour devenir invisibles. En quelques jours seulement, ils avaient apparemment pris conscience de l’opposition entre la Guilde et l’Imperium ici représenté par l’armée. Marge garda précieusement ce détail dans sa mémoire qu’elle n’omettrait pas de mentionner dans son rapport à Odyle.

Passé ce quartier, ils arrivèrent au milieu de baraquements délabrés, rongés par les vents et le sable. Ces petits bâtiments avaient été construits il y avait fort longtemps, les toits et les murs s’effritaient, laissant apparaître parfois quelques trous. Les voyageurs étaient déçus, ils s’attendaient à mieux. Mais après tout, cela était mieux que rien, ils avaient leur propre récompense sous les yeux et cela les soulageait tout de même. Marge quant à elle, savait ce qui l’attendait. Ayant vécu quatre ans sur cette planète, elle avait eu le temps de visiter Arrakeen et d’en apprendre plus sur le désert, l’épice, et les vers.

– Bien nous y voici, reprit le Capitaine, les baraquements seront vos logements, au bout de la ruelle se trouve un réservoir contenant l’eau dont vous aurez besoin. Vous avez tous droit à la même ration quotidienne. Veillez à ne pas la gaspiller, nos réserves ne sont pas inépuisables. Vous commencerez à récolter l’épice dès demain. Pour les volontaires qui désirent piloter, les anciens vous apprendront comment manipuler les chenilles. Aujourd’hui, nous vous laissons vous ‘ installer, dit narquoisement Sandhor en regardant leurs maigres bagages.

Ils devaient être environ une centaine. Ils seraient six par baraquement. Peu à peu, alors que les sardaukars quittaient le quartier, les voyageurs visitaient les lieux et choisissaient leur nouveau logement. Marge se retrouva avec quatre hommes et une seule autre femme. Mais peu importait, elle ne resterait ici qu’une semaine ou deux avant de s’infiltrer.

Son logement choisi, elle ne perdit pas de temps à faire connaissance avec ses colocataires. Elle sortit de son baraquement et se dirigea droit vers le quartier où étaient installés les Vagabonds tout en restant très discrète, selon son apprentissage chez les soeurs.

Il n’était que le début de l’après-midi. Elle savait qu’à cette heure, la plupart des Zensunni étaient occupés sur les chenilles de la Guide. Elle espérait pourtant tomber sur une femme ou l’autre, il devait bien rester quelqu’un dans ce quartier censé regrouper des milliers d’individus. Elle longea les ruelles et finit par entendre un bruit d’eau. Bien sûr ! S’il reste des Vagabonds dans ce quartier, ils doivent venir au minimum une fois par jour au réservoir. Il est préférable d’y aller pendant les heures de travail lorsqu’il n’y a pas encore de file !

Elle ne voyait pas le grand réservoir, d’où elle était, mais le devinait à quelques pas après un tournant sur sa droite. Elle se glissa dans un coin ombragé, remit sa capuche et ne fit plus aucun bruit, attendant que la prochaine personne remplissant son réservoir d’eau personnel passe devant elle. Elle entendit des chuchotements, des voix féminines ‘ deux. Les voix se firent plus fortes, deux femmes se rapprochaient.

– Jacur notre naib nous avait promis la liberté sur ce monde et regarde donc nos conditions de vie! Nous étions encore mieux sur Ishia, là bas nous avions des abris plus solides que ces tentes dérisoires. Et cette eau que nous donne la Guilde, tu penses vraiment que nous en aurons pour tous avec ces rations quotidiennes?

– Nous avons promis à la Guilde de lui reverser de l’épice en échange de notre liberté et nous devons honorer notre parole. Je n’aime pas plus que toi cet endroit et encore moins me sentir cernée par les sardaukars de l’Empereur. Quant à l’eau, nous le savons tous, nous devons employer des mesures draconiennes pour la préserver. Nous sommes déjà mieux lotis que ces citadins qui travaillent pour l’Empereur : leur système de rationnement est moins avantageux que le nôtre. Mais tu as entendu Jacur comme moi : avec l’aide des Entio, nous ne resterons pas longtemps dans cette cité. Dès qu’ils auront trouvé une solution à nos problèmes d’eau, nous deviendrons des nomades du désert, allant là où l’épice se trouve. Nous pourrons ainsi continuer à verser l’épice que la Guilde réclame tout en restant libre de choisir la manière dont nous voulons vivre.

– Je ne me vois pas vivre à découvert dans ce désert.

Les deux femmes avaient un teint basané, leur corps était marqué par leur vie passée sur la rude Ishia. Marge les avait suivies en se faufilant sans bruit entre les tentes durant leur brève conversation. Elle en avait assez entendu pour avoir de quoi faire un rapport assez complet à Odyle et décida de rebrousser chemin vers son propre refuge.

Le lendemain, elle apprendrait avec les nouvelles recrues de l’Imperium à extraire l’épice des sables. Cela lui serait utile lorsqu’elle devrait vivre comme une Zensunni.

 


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le Peuple de Dune (05)


La subtilité de l’exercice politique

réside, dans l’absolu, en une simple intention utopique:

créer toutes les possibilités.

— Empereur Irulon VI.



De tout l’univers connu, le palais impérial était sans nul doute l’endroit le plus agréable à habiter. C’était exactement ce que pensait l’empereur Irulon VI tandis qu’il regagnait ses appartements, accompagné d’une escorte d’une vingtaine de sardaukars. Et indéniablement les immenses colonnes de marbre blanc alignées de chaque côté de ce long couloir n’avaient pas d’autre effet que d’impressionner les visiteurs, même ceux dont les yeux étaient les plus exercés à l’architecture complexe de ce palais dont la luminosité était par ailleurs exceptionnelle.

Irulon savait qu’avec ses atours bleu nuit sertis de pierres précieuses et sa longue cape pourpre lui descendant jusqu’aux chevilles, il ne faisait que s’inscrire dans ce décor déjà si luxueux. Lui-même était de taille plutôt moyenne et avait une corpulence assez fine. Ses gestes gracieux et maniérés lui donnaient un air dédaigneux. Ses cheveux étaient d’un blanc de neige, bien qu’il fut assez jeune – pour un empereur, il n’avait que 53 ans. Ses yeux azur donnaient l’impression de transpercer avec malice quiconque se trouvait dans son champ de vision. Mais le plus surprenant chez lui était son léger sourire; pas un sourire de joie, mais un sourire de prédateur se délectant d’avance à traquer puis piéger une proie.

L’écho des paroles de la diseuse de vérité résonnait encore en lui. Il était plutôt enthousiaste. Au lieu de le préoccuper, les nouvelles qu’elle avait rapportées lui avaient même provoqué une certaine jubilation.

Ainsi je vais pouvoir m’amuser un peu? Intéressant. La Guilde est un adversaire remarquable, c’est indéniable. Peut-être digne de moi. Pas comme ce cher cousin… paix à son âme

Bien sûr, il n’ignorait pas ce que l’on racontait sur lui à travers tout l’Empire. Ces nombreuses rumeurs l’emplissaient à chaque fois d’une certaine joie.

Vous me prenez pour un imposteur et un assassin, mais ignorez-vous donc que l’histoire politique n’est rien d’autre qu’une succession de complots, de trahisons et de crimes? Êtes-vous si naïfs?

Le fait demeurait que c’était bel et bien le cas. Il ne doutait pas que les secrets de la politique n’étaient réservés qu’à une élite dont il faisait partie. En vérité Faradh V, son cousin, s’il n’avait pas été aussi faible, aurait bien pu être un excellent chef. Mais n’ayant pas le charisme et l’audace d’Irulon, ce dernier avait pris comme un devoir la simple formalité de l’éliminer. C’était une besogne nécessaire. Difficile, certes, mais indispensable. Il n’avait vu que le bien de l’Empire, qu’il avait sauvé d’un faible. Irulon espérait secrètement que l’Histoire porterait précisément ce regard sur son règne.

Une fois arrivé dans ses appartements, dont les couleurs dominantes comme dans le reste du château étaient le blanc et le vert émeraude, il congédia son escorte et s’assit à son bureau, imitation d’un meuble de l’antique époque du roi Louis XIV, obscur roi mineur de l’ancienne Terra. Très peu de gens étaient autorisés à entrer dans ses quartiers privés. Il y restait souvent assis de longues heures, réfléchissant à chaque décision qu’il avait à prendre. Dans ce cas précis, il s’agissait des ordres qu’il devait donner à propos du cas Arrakis.

Il ne pouvait pas affronter la Guilde de front, c’était évident. Il est intéressant de remarquer à quel point le pouvoir impérial est limité par des organisations qui échappent totalement à mon contrôle pensait-il. Mais aussi paradoxal que cela pouvait paraître, l’Imperium n’était qu’une force parmi d’autres de l’Univers Connu, chacune étant dépendante des autres. Non, le mieux est sans doute de risquer une attaque oblique. Pour détruire un obstacle, il faut commencer par annihiler les facteurs qui soutiennent cet obstacle. Or, le problème est que la Guilde commence à avoir un stock d’épice d’une importance non négligeable.

Tant que les forces en présence dans l’univers se compensaient, aucune ne mettant les autres sous sa domination, la situation restait stable et acceptable. Mais si la Guilde prenait trop d’importance, l’équilibre des puissances s’en trouverait fortement contrarié’

Je ne peux pas me permettre une confrontation armée… Pas tout de suite en tout cas. Il faut plutôt disloquer les relations entre la Guilde et les Vagabonds Zensunni. Et je connais exactement la personne qu’il me faut: Kovan Stellio! Sans nul doute, il pourra réussir à s’infiltrer parmi les Zensunni, et attaquer de l’intérieur, sans que quiconque ne se doute que l’Imperium est responsable de la chute de la Guilde.

Si personne ne savait, le risque de représailles était inexistant. Surtout que Stellio n’en était pas à son coup d’essai. Il avait déjà provoqué de nombreuses révoltes pour le compte de l’Empereur sur une dizaine de planètes, et jamais le doute ne s’était porté sur lui. Je ne crois pas m’être autant amusé depuis l’organisation du meurtre de mon cousin.

L’empereur fut secoué d’un rire impulsif. Il venait une fois de plus de se rendre compte à quel point vu d’en haut, les destinées humaines pouvaient être contrôlées. Il prit aussitôt une feuille de papier et inscrivit en langage codée ces quelques mots : Kovan, les Zensunni représentent un danger pour la splendeur de l’Empire, prévenez les commandants d’unités présentes sur Arrakis qu’ils doivent prendre leurs dispositions afin d’écarter tout risque. Infiltrez le plus rapidement possible les immigrés et faites le nécessaire pour briser toute entente avec la Guilde.

Il cacheta en gloussant la lettre avec le sceau impérial.

 


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le Peuple de Dune (04)


Shai Hulud ne se montre à ses fidèles

que sous les traits du Vieil Homme du Désert,

mais Shai Hulud est l’essence-même de ce monde.

— Le livre d’Azhar.


Ce matin le ciel était empli de sable qui tombait en une pluie fine sur Arrakeen, le ciel en était opaque et orangé. La tempête qui avait élevé ces nuées devait être très forte, le sable tombait depuis plus de deux heures et il continuait de tambouriner sur les tentes des réfugiés, ceux-ci sortaient les uns après les autres, tandis que le soleil qui se levait, perçait à peine l’épais brouillard de sable.

La fête-ishwan de la veille avait été écourtée par la tempête. Les Zensunni étaient endurcis par des années passées à survivre dans des milieux plus hostiles les uns que les autres et malgré cela, ils avaient été contraints de s’abriter sous leurs tentes. En effet, même pour le plus aguerri des Sardaukars, les tempêtes d’Arrakis inspiraient toujours méfiance et prudence. Heureusement, Arrakeen était toujours épargnée des tempêtes, car protégée par un bouclier rocheux.

Toryn et Jacur s’entretenaient pour déterminer la conduite à tenir face aux forces qui se partageaient la planète.

– Regarde ces miradors, disait Toryn, tu trouves que nous sommes libres? Ces Sardaukars, que font-ils ici? La guilde ne nous en avait pas parlé, je crains que nous ne soyons tombés dans un piège et que ces gens ne se servent de nous, comme ils l’ont toujours fait.

– Je sais que la situation est délicate, dit Jacur, mais nous devons nous consacrer à la récolte de l?épice. Avant de douter de la parole de la Guilde, nous devons honorer la nôtre.

– Tu as sans doute raison, mais une fois que notre récolte d’épice sera satisfaisante pour la guilde, nous devrons chercher un moyen de vivre dans ce désert, je pense que c’est un refuge sûr et puis c’est dans un environnement comme celui-ci que vivaient nos lointains ancêtres! Allons, nous devons nous rendre aux entrepôts que cet agent nous a indiqué hier soir.

Les Zensunni se dirigèrent vers les entrepôts, situés au nord d’Arrakeen. Quelque minutes plus tard, une délégation de la Guilde accueillit les réfugiés. Et jusqu’au milieu de la journée, les Guildiens leur enseignèrent les premiers rudiments du fonctionnement des moissonneuses, ornithopères ou encore ailes portantes. A l’évocation des vers des sables, les Zensunni furent particulièrement attentifs. Après un repas plutôt léger, un des agents de la Guilde s’adressa aux deux naibs:

– Maintenant il vous faut former des équipes, nous allons faire une sortie dans le désert et commencer à récolter la seule substance qui mérite notre attention ici, l’épice. Aujourd’hui, nous n’utiliserons qu’une seule moissonneuse, pour un groupe à la fois, mais petit à petit vous utiliserez toutes celles que nous mettons à votre disposition pour tenir les quotas que nous vous ferons parvenir. J’ai entendu parler d’un des vôtres: Khoren, j’espère qu’il fera partie du premier groupe, il serait regrettable de ne pas honorer ses capacités.

– Bien entendu, répondit Toryn. Il ne faut pas éveiller de soupçons, il fera donc partie du premier voyage, pensa toryn, mais non je ne gâcherai pas ses talents dans .. la récolte d’épice, j’ai d’autre projets pour lui.

Une fois la première équipe désignée conjointement par Jacur et Toryn, celle-ci prit place dans des ornithoptères avec quelques agents de la Guilde. Ceux qui étaient restés à Arrakeen continuèrent à se familiariser avec ce mystérieux matériel. L’aile portante s’arracha du sol dans un brouhaha assourdissant, élevant la moissonneuse dans le ciel d’Arrakeen, et les aéronefs se dirigèrent vers le sud, par delà le bouclier rocheux. Après quelques heures de vol, l’aile portante amorça l’aterrissage et déposa l’engin sur la zone riche en épice. La récolte se déroula sans anicroche pendant plusieurs heures, dans les ornithoptères, la tension était palpable, et les sujets de discussion était plutôt techniques, pour ne froisser aucune sensibilité.

Jacur observait le désert, quand soudain une dune semblait se déplacer.

Il interpella alors les personnes présentes dans les ornithoptères.

– Oui, vous avez une bonne vue, c’est un ver des sables, répondit l’un des agents de la Guilde.

Il informa alors l’aile portante de l’arrivée du ver, celle-ci s’étant posée à quelques kilomètres de là sur un affleurement rocheux, elle ne mit que quelques minutes pour mettre la moissonneuse en sécurité dans les airs.

Jacur et Toryn observaient toujours la dune qui se déplaçait, et lorsqu?elle arriva à l’endroit ou se trouvait la moissonneuse, un ver, la gueule grande ouverte s’éleva dans le ciel, jusqu’à presque toucher l’aile portante, les naib étaient stupéfaits, jamais ils n’auraient pu imaginer qu’un tel animal puisse exister, et dans leur esprit, cet étrange apparition n’était pas naturelle, cette chose là qui s’affaissait sur les dunes, avait quelque chose de puissant, de divin.

Lisant la stupeur sur le visage des naibs, l’agent de le Guilde proposa de rentrer sur Arrakeen, la récolte était satisfaisante pour l’instant, et le soleil déclinant ne tarderait pas à laisser l’obscurité se répandre dans le bassin.

 


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le Peuple de Dune (03)


La politique et la religion doivent être dissociées,

mais leur contrôle commun doit être, en coulisse,

administré par un seul pouvoir.

— Coda Bene Gesserit.


La Mère Supérieure Thralia avait passé la matinée à travailler dans son bureau. Cette pièce était son lieu de travail avant tout, pourtant c’était là que Thralia se sentait le mieux. Le calme y régnait en permanence, elle n’y était dérangée que rarement, principalement pour des urgences ou lorsque l’une des sœurs devait lui rapporter un message important et confidentiel. Elle aimait ce bureau et s’y rendait plus souvent pour trouver un peu de calme et apaiser son esprit que pour y travailler sur les multiples tâches d’une Mère Supérieure.

Tout en contemplant la vue sur le jardin quelques étages plus bas, elle se demandait si l’arrivée des Zensunni sur Arrakis n’allait pas créer encore plus de problèmes sur cette planète où l’Empereur et la Guilde se disputaient déjà la récolte de l’épice. Ou peut être deviendraient-ils les seuls à récolter l’épice pour tous? C’est une possibilité dont il faudrait tenir compte.

Arrakis est l’une des planètes les plus convoitées, l’arrivée de ce peuple d’immigrants pourrait en bouleverser le contrôle déjà fragile. Il serait préférable de surveiller ce monde jusqu’à ce que les choses se stabilisent. Si elles doivent se stabiliser un jour?

Elle fut tirée de ses pensées par deux acolytes trop bruyantes qui arrivaient dans le jardin. Elle devrait informer leur rectrice d’être un peu plus dure avec elles, elles étaient encore beaucoup trop distraites et ne prêtaient pas assez attention aux détails. Leurs ennemis en profiteraient à la première occasion.

Comme si l’une d’elles avait compris sa réflexion, elle leva le visage vers la fenêtre d’où Thralia les observait. Elle lut dans ses yeux une extrême intelligence dominée par une détermination très forte. Cette jeune acolyte, Mira, celle qui élève, était dotée d’un atout en concordance avec son nom : un caractère de chef. Cette fille irait loin.

La Mère Supérieure se retourna soudain, contrariée de ne pas avoir entendu plus tôt que l’on s’approchait de la porte de son bureau. Elle se faisait vieille et ses sens aiguisés par le Bene Gesserit devaient commencer à s’émousser. La révérende mère Odyle, sa meilleure conseillère et confidente, venait de pénétrer dans le bureau. Elle était encore jeune et pourtant elle avait des connaissances approfondies sur un nombre impressionnant de matières.

Odyle pourrait faire une Mère Supérieure à la hauteur lorsque je ne serai plus là.

– Mère Supérieure commença Odyle, je vous apporte les derniers rapports concernant la rénovation du bouclier planétaire. Les ingénieurs ont annoncé qu’une prolongation des travaux serait nécessaire.

– Une autre prolongation? Mais cela fait déjà plus de cinq mois qu’ils y travaillent! Ce n?est pourtant pas un remplacement complet du bouclier. Bon, je suppose que nous n’avons pas le choix. Nous devrons nous en passer combien de temps encore d’après leur estimation ?

– Environ deux mois. Les équipes de surveillance supplémentaires resteront le temps nécessaire, je m’en suis déjà chargée.

– Bien. C’est au moins cela, même si tout ceci ne me plait guère. Autre chose Odyle ?

– Oui Mère Supérieure. Je viens d’apprendre que les vagabonds Zensunni ont été installés dans la cité d’Arrakeen comme prévu. D’après notre diseuse de vérité envoyée auprès de l’Empereur, celui-ci n’apprécie pas que la Guilde se procure du mélange sans passer par l’Imperium, ce qui n’est pas nouveau. Mais dans cette situation, la Guilde va posséder de plus en plus d’épice tandis que la production de l’Imperium baisse sans cesse. Des Sardaukars sont sur place depuis quelques années déjà comme vous le savez. Mais cette fois ils risqueraient de devoir agir plus … ouvertement. S’ils devaient s’en prendre aux Zensunni, la Guilde pourrait menacer de supprimer ses services à l’Imperium. Bien sûr ce ne serait qu’un prétexte, mais cela bouleverserait l’organisation de chaque planète de l’univers connu.

– Je vois que vous vous êtes renseignée de votre propre initiative, répondit Thralia avec un sourire léger mais significatif. Je tenais justement à vous faire part de mes intentions quant à cette planète et ses nouveaux occupants. Vos conclusions sont peut-être un peu hâtives, mais néanmoins plausibles. Il est encore trop tôt pour faire quoi que ce soit. Gardez une liaison permanente avec la diseuse de vérité de l’Empereur ainsi qu’avec nos contacts sur Arrakis. Cette affaire mérite que l’on s’y attarde. N’oubliez pas cependant que ceci ne nous concerne pas directement. Notre préoccupation la plus importante en ce moment doit rester notre système défensif. Lorsqu’il sera rétabli et que Wallach IX sera de nouveau inaccessible à tout vaisseau non autorisé nous pourrons enfin nous concentrer sur Arrakis sans craindre de mauvaises surprises.

– Bien, je veillerai à ce que les ingénieurs ne traînent pas et à ce que nos contacts continuent à nous envoyer des rapports réguliers.

Odyle se retira dans un froissement de robe a peine perceptible. Cultivée, intelligente, perfectionniste et un sens de l’initiative étonnant. Odyle serait la rectrice parfaite pour cette jeune Mira. Cette audacieuse acolyte aurait alors une éducation parfaitement appropriée. Son caractère ajouté à ses talents pour la Voix devraient faire d’elle une adversaire sans égale.

Thralia voulut se remettre au travail, mais elle ne pouvait s’empêcher de se ressasser les paroles d’Odyle. Ainsi elle n’était pas la seule à avoir des soupçons à l’égard de l’Empereur et des actes irréparables qu’il pourrait commettre. Le Bene Gesserit avait bien quelques contacts sur Arrakis, ceux-là même qui avaient rendu leur rapport à Odyle. Mais aucun d’eux ne pouvait être véritablement sûr. Ils ne faisaient pas partie des sœurs et la confiance qu’elles pouvaient avoir en eux restait limitée. L’Empereur avait envoyé sa diseuse de vérité sur Arrakis qui d’elle-même lui avait fait parvenir ses craintes.

Irulon VI, l’Empereur de tous les Mondes Connus, avait besoin de l?avoir à ses côtés pour percer les secrets et possibles trahisons affluant autour de lui et du trône du Lion d’Or, elle ne pourrait donc y rester. Il leur fallait absolument une Bene Gesserit sur place en permanence. Ainsi elle serait certaine d’avoir toutes les informations nécessaires et cela via des messages codés, pour plus de sécurité.
Pour cette mission, une sœur très persuasive mais discrète était préférable. Elle devrait probablement s’infiltrer dans le peuple Zensunni. A la pensée de toutes les caractéristiques nécessaires que l’élue devrait rassembler pour faire face à cette mission, un seul nom vint à l’esprit de Thralia: Attus Marge Conna.

Cette sœur avait déjà passé quelques années sur Arrakis, ce monde de sable qui n’a que la précieuse épice pour ressource. De plus elle avait déjà dû espionner les personnes clés de quelques grandes Maisons pour le Bene Gesserit. Cette mission était faite pour elle.

Sur ces pensées, Thralia sortit de son bureau pour se diriger vers la grande bibliothèque. Marge y était souvent, toujours émerveillée par les connaissances qu’elle renfermait. La bibliothèque se trouvait un étage plus bas. Elle se dirigea vers l?ascenseur au fond du couloir, et tomba nez à nez avec la rectrice de Mira.

– Vous rendez-vous dans le jardin retrouver vos deux acolytes? lui demanda Thralia.

– Oui Mère Supérieure, il est l’heure de leur entraî-…

– Je les ai vues dans le jardin tout à l’heure. Vous n’êtes pas assez dure avec elles. Elles négligent encore beaucoup trop les détails susceptibles d’attirer l’attention sur elles. Cela fait pourtant quelques années déjà que vous leur inculquez notre enseignement.

– Mère Supérieure, je …

– Mira possède un potentiel immense. Malheureusement vous n’êtes pas assez apte à lui enseigner les subtilités Bene Gesserit qu’elle doit absolument maîtriser pour utiliser ce potentiel au maximum. Il conviendrait donc que Mira change de rectrice. Prévenez-la qu’Odyle sera sa nouvelle rectrice, dès demain. J’en informerai Odyle moi-même. Veillez également à ce que vos autres acolytes fassent moins d’erreurs aussi flagrantes à l’avenir.

Thralia, le visage sombre, entra dans l’ascenseur qui referma ses portes sur une rectrice qui essayait tant bien que mal de cacher son étonnement et sa frustration. Ces paroles froides la motiveraient peut-être à être plus ferme et consciencieuse à l’égard de ses acolytes.

L’ascenseur s’arrêta à l’entrée de la bibliothèque. Il s’y trouvait un plan holographique indiquant les noms de chaque rayons et salles de visionnage. Marge allait toujours dans la même lorsqu’elle était libre: la salle numéro sept. La bibliothèque et ses salles de visionnage occupaient tout l’étage, environ deux cents rayons de livres-films pour une cinquantaine de salles. Des milliers de films retraçant l?histoire des plus lointaines planètes, des interrogatoires précieux à analyser, des documentaires en tout genre et des livres-films spécialement conçus pour l’apprentissage des acolytes.

La salle sept était occupée. Elle toqua par politesse, sachant très bien que Marge l’aurait entendue approcher, entra et fut soulagée de trouver la sœur qu’elle cherchait en train de regarder un livre-film traitant de la politique impériale au siècle dernier. Marge se retourna et invita la Mère Supérieure à s’installer auprès d’elle.

– Merci Marge, mais je suis restée toute la matinée assise à mon bureau. Je préfèrerais que nous fassions quelques pas dans le jardin, question de prendre l’air et de discuter de choses et d’autres, dit Thralia tout en lui indiquant la caméra de surveillance.

– Bien, je m’en vais ranger ce livre-film et je vous rejoins à l’ascenseur, le rayon n’est pas loin de cette salle.

Elles descendirent au rez-de-chaussée sans un mot puis se dirigèrent vers les allées fleuries du jardin. La Mère Supérieure expliqua à Marge ses craintes ainsi que la discussion qu’elle avait eue avec Odyle en langage gestuel tandis qu’elles parlaient de choses totalement anodines à voix haute. Ainsi personne d’autre qu’elles et Odyle ne seraient au courant de cette affaire.

– Vous avez donc pensé envoyer une personne de confiance et avec assez d’expérience pour s’infiltrer parmi ce peuple sans se faire remarquer. Cette personne serait moi.

– Effectivement acquiesça Thralia. Je sais que vous avez déjà effectué des opérations similaires sur d’autres mondes dont Ishia et que vous avez vécu quelques années sur Arrakis, vous connaissez donc déjà les lieux et leurs dangers et possédez l’endurance nécessaire. Mais ce n’est pas tout. Ce sera aussi une mission au nom de la Missionaria Protectiva.

– Mais… les Zensunni ont déjà une spiritualité très évoluée et très spécifique.

– Elle devra forcément évoluer en fonction de leur nouveau monde, et celui-ci n’est pas n’importe lequel, vu ses ressources. Cela est peut être l’unique occasion d’implanter la venue du Court Chemin dans un contexte religieux futur. Acceptez-vous?

– Je me dois de satisfaire les désirs de notre Mère Supérieure, surtout lorsqu’il s’agit de servir cette grande cause de notre corporation, répliqua Marge avec un sourire qui trahissait son envie de travailler une fois de plus sur Arrakis. Quand devrai-je m’y rendre?

– Un long courrier partira pour Arrakis dans deux jours, vous embarquerez à son bord. Vous devrez nous envoyer un rapport par semaine dans un premier temps, Odyle se chargera de les récupérer. S’il se passe des choses de plus grande importance prenez contact directement avec moi. N’hésitez pas à prendre les décisions nécessaires sans passer par nous lorsque vous serez sur place. Je compte sur vous.

Thralia et Marge se séparèrent sur un sentiment de satisfaction, à un croisement de chemins bordés de hautes haies où elles étaient cachées de tout regard indiscret. Il était presque midi, l’heure du déjeuner. Elles se dirigèrent toutes deux vers le réfectoire mais par des chemins différents, comme si elles ne s’étaient jamais parlées.

 


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