Cette phrase, on la doit à Nicolas Winding Refn, scénariste et réalisateur de Only God forgives (en compétition à Cannes cette année) à propos du projet Dune d’Alejandro Jodorowsky.
Car ce projet d’adaptation de Dune au cinéma, on en reparle cette année à Cannes. En effet, après 3 ans de tournage, Frank Pavich présente aujourd’hui son documentaire Jodorowsky’s Dune lors de la Quinzaine des Réalisateurs.
L’occasion de s’attarder, une nouvelle fois, sur ce projet pharaonique des années 70 qui n’aura finalement pas vu le jour, mais qui aura malgré tout marqué l’histoire de la SF (et du cinéma).
Avec ce projet fou, Jorodwosky avait l’intention de réaliser un film prophétique qui parle à l’âme humaine. Il lui fallut s’entourer pour cela d’une équipe exceptionnelle, prête à tout pour y arriver. Pavich va à leur rencontre. Il montre l’ampleur du travail accompli et, à travers les témoignages et les documents qu’il recueille nous montre en creux ce que que Dune aurait pu être, une oeuvre grandiose. La bande annonce du documentaire de Pavich :
Ce projet rime souvent avec démesure.
Un projet qui aura duré 2 ans (et coûté 2 M$ de l’époque sans qu’aucune image ne soit tournée). Un budget estimé à 15 M$ au final (soit près de 65 M€ actuels – en comparaison le budget de Star Wars, sorti en 1977 était évalué à 11 M$; celui du 2001… de Kubrick, jugé coûteux à l’époque, avoisinait les 10 M$). On parle de 100.000 $/ minute concernant le cachet de Salvador Dali, dans le rôle de l’Empereur Shaddam IV!! Tout devait être au top : la bande son devait être confiée à Pink Floyd et Magma, les effets spéciaux à Douglas Trumbull, qui avait réalisé ceux de 2001… qui sera remplacé par Dan O’Bannon (qui a notamment travaillé avec John Carpenter). Quant au casting, on parlait (en plus de Dali), d’Alain Delon (Duncan), Mick Jagger (Feyd), Amanda Lear (Irulan), David Carradine (Leto) ou encore Orson Welles (Baron Harkonnen). + 1000 pages de scripts, 3000 dessins de Moebius…
Comme précisé en préambule, ce projet aura eu une influence énorme sur la SF (et sur le cinéma SF):
Ce projet a une place à part dans le Dunivers. Pour plusieurs raisons. La première, évidente, tient au travail titanesque réalisé par le duo Jodo-Moebius : le Dune’s book, ce volumineux « livre de Dune », story board très précis qui raconte en images, presque plan par plan, avec toutes les indications techniques et de mise en scène au détail près; qui présente la vision qu’avait Jodo du film auquel il voulait aboutir. Ensuite, quand on voit l’échec relatif du Lynch, un projet aussi ambitieux que le Jodo (et dont plusieurs éléments ont ensuite été repris dans Star Wars notamment) ne peut qu’avoir l’approbation des fans, suscités leur admiration. D’autant que Jodo avait annoncé la couleur : expérience psychédélique, extra-sensorielle, messianique, hallucinante, voire même hallucinogène!!
Mais c’est surtout le cinéma (et le cinéma de science-fiction) qui va profité de ce projet. Après avoir, sans succès, fait le tour des studios hollywoodiens, Michel Seydoux (le producteur français du projet) aura la surprise de voir plusieurs éléments du ‘Dune’s book’ dans les grosses productions US (Star Wars, Alien, …). Tous les membres de l’équipe du film sont devenus des pièces maîtresses dans la SF hollywoodienne : Dan O’Bannon notamment travaillera sur la saga Alien et Total Recall; H.R. Giger sera de l’aventure Lynch, et rejoindra O’Bannon sur Alien. Chris Foss participera à Superman, Alien, Flash Gordon ou encore à A.I de Kubrick.
Le mot de la fin revient (encore?!) à Nicolas Winding Refn. : «Ils ont eu peur de Jodorowsky: trop visionnaire, trop en avance. Trop libre et poète dans l’âme…». Visionnaire, poétique, des mots qui enflamme l’imaginaire du Dunivers et qui fait du projet de Jodorowsky un rêve inachevé.
il me tarde de voir ce documentaire 🙂
Bonjour
Il est inexact de dire qu’aucune image a été tournée. J’ai eu (le bonheur ou le malheur au choix) d’en avoir la preuve dans ma vie professionnelle. En effet dans les années 90 j’ai participé à la seconde destruction des bobines qui ont étés tournées pour le film de Jodo (a priori les dernières bobines restant des castings).
A l’époque je travaillais dans le déménagement et mon entreprise avait pour client Monsieur Seydoux et ses diverses société dont « caméra one ». Nous avons déménagé leur bureaux (ou figuraient encore sur les murs les dessins conceptuels de Dune). Nous avons étés également chargés de « passer au pilon » un grand lot de bobines portant la mention « dune ».
A l’époque j’étais déjà un grand fan de Franck et lecteur de Métal Hurlant et je m’était permis de poser quelques questions sur les illustrations sur les murs et le contenu des bobines.
J’ai alors appris que ces bobines étaient le résultat des tournages de casting. C’était la seconde (et dernière) destruction de film concernant ce projet (la première aurait été composé de test de costume ou de scènes préalables au tournage (le cinéma utilise ce type de scènes pour vendre les films avant tournage* (ça je l’ai appris plus tard)).
Destruction faite à regret mais rendue obligatoire par décision de justice suite a un litige avec les « Laurentiis » (ce n’est peut-être pas la vraie raison mais c’est celle qui à été donnée à l’époque à un jeune déménageur).
Je pense vraiment que les regrets étaient sincère tellement les murs étaient tapissés de dessins conceptuels plus de 10 ans après la fin du projet. Il y avait relativement peu d’affiches de films plus récents.
J’ai eu le temps de jeter un coup d’oeuil bien fugace sur les images de ces bobines avant de les charger dans un camion. Je n’ai rien vu d’intéressant. J’ai conservé une boite de bobine vide en souvenir.
Bref,… Effectivement aucune image du film réel aurait été tournée mais si nous n’avons plus accès aux nombreuses images préparatoires (de quoi remplir un camion de 40M3) c’est qu’elles ont toutes étés détruites pour des question de droits.
(*) je me suis laissé dire, quelques années plus tard, que lors de la première destruction de bobines a disparu une scène improvisée tournée (dans un café ?) par un acteur fameux disparu depuis peu 😉 (dans les années 90).