Arrakis: troisième planète du système de Canopus. Plus connue sous le nom de Dune. Située donc à près de 310 année-lumière de notre système solaire, en orbite d’un monstre solaire 1, la planète-éponyme est un désert de sable sur laquelle vivent un peuple farouche et des créatures terrifiantes. Mais à quoi ressemble-telle ? Si Dune est d’abord un texte, en quelles représentations polychromes les mots monochromes se sont-ils transformés?
La première description visuelle de cette planète fournie par Frank Herbert est indirecte: dans la scène du deuxième chapitre où le Baron Harkonnen révèle son plan – enfin, celui de son Mentat – pour évincer les Atréides, un globe se tient dans la pièce. Ce globe est une représentation de la planète Arrakis, et c’est description qui marquera presque toute l’imagerie qui lui est associée.
La main grasse abaissa le globe et interrompit sa rotation. Chacun pouvait maintenant contempler la surface immobile, chacun pouvait voir qu’il s’agissait là d’un objet réservé aux plus riches collectionneurs ou aux gouverneurs planétaires de l’Empire. Le globe portait en fait l’estampille impériale. Les lignes de longitude étaient visibles, faites de fils ténus de platine. Les calottes polaires étaient serties de joyaux à l’éclat laiteux.
La main grasse se déplaça sur le globe, de détail en détail. « Je vous invite à bien observer, reprit la voix de basse grondante. Regarde attentivement, Piter, et toi aussi, Feyd-Rautha, mon chéri : entre le soixantième parallèle nord et le soixante-dixième sud, ces plissements ravissants. Leur couleur n’est-elle point comparable à celle de quelque délicieux caramel ? Et vous n’apercevrez nulle part le bleu de la moindre mer, du moindre lac, du moindre fleuve. Et ces calottes polaires… Ne sont-elles pas savoureuses ? Si petites. Qui pourrait ne pas reconnaître un tel monde ? Il est unique. Et il est le lieu idéal pour une victoire tout aussi unique. Arrakis. »
Du~World 2,5-6
Arrakis… Dune… La planète des sables… Couverte d’un cercle polaire à l’autre d’ergs offrants aucune protection contre les tempêtes Coriolis (tempête), c’est sur sa partie nord que semble se déroule l’ensemble de l’action. Mais en fait qu’en sait-on que cela se passe au nord ? Sur la simple base du texte ce n’est pas si simple car le terme ‘nord’ (12 fois) revient bien moins que celui de ‘sud’ (46 fois) et même s’il peut s’agir que de positionnement relatif, le désert demeure vaste et le nombre d’agglomérations limité (au compteur; Arrakeen et Cartarg – cette dernière étant située à environ 200 km au nord-est de la première). Alors l’auteur tente de donner l’impression qu’au nord on y trouve des choses et que le sud est dépeuplé.
J’aimerais en connaître plus à propos des vers de sable. »
« Ah, mais bien sûr. J’ai justement une bobine sur un petit spécimen. Il ne dépassait guère cent dix mètres de long sur vingt-deux de diamètre. Elle a été faite dans le nord d’Arrakis. Mais, selon certains témoins dignes de foi, il existerait des vers de sable dépassant quatre cents mètres. On peut même penser qu’il y en a de plus grands encore sur la planète. »
Le regard de Paul se posa sur une carte des régions septentrionales d’Arrakis, déployée sur la table. « La ceinture désertique et les régions avoisinant le pôle boréal sont qualifiées d’inhabitables. Est-ce à cause des vers ? »
« Et à cause des tempêtes. »Du~World. 4, 22-25
« Que souhaite donc l’Empereur ? demanda le Baron. Il ne doit guère rester plus d’une poignée de Fremen sur Arrakis. Le désert du Sud est inhabitable et nos patrouilles fouillent sans cesse ceux du Nord. »
« Qui a dit que le désert du Sud était inhabitable ? »
« Votre propre planétologiste, mon cher Comte. »
« Mais le docteur Kynes est mort. »
« Oui, c’est vrai… C’est bien regrettable. »
« Les territoires du Sud ont été survolés, dit le Comte. Il a été prouvé que la vie végétale y existe. »Du~World. 13, 43-46
En fait, deux éléments vont orienter l’esprit du lecteur vers une représentation septentrionale du roman. Bien qu’une partie de la rébellion Fremen se dissimule et s’organise dans les palmeraies du sud lointain, le centre de commandement est en Arrakeen. Et le nœud de l’action s’y déroule ainsi qu’en sa périphérie. Donc le premier élément est textuel: il s’agit de la géolocalisation textuelle des lieux tel que celle de la capitale Arrakeen dans l’hémisphère nord de Arrakis en positionnant certains points de vue en rapport avec le Bouclier – Shield Wall dans la version originale – qui revient une trentaine de fois dans la narration.
Bouclier: désigne une formation montagneuse du nord d’Arrakis qui protège un territoire de faible étendue des tempêtes Coriolis.
Du~Term. 1, 240
Il y avait de l’eau dans toute cette pièce. De l’eau, sur un monde où l’eau était le jus précieux de la vie. Tant d’eau dépensée… Elle sentit que quelque chose se figeait tout au fond d’elle. Elle leva les yeux vers la clarté jaune du soleil. Il s’abaissait vers un horizon tourmenté de collines qui faisaient partie de l’immense chaîne connue sous le nom de Bouclier.
Du~World. 9, 33-34
Le duc Leto Atréides était appuyé à un parapet dans la tour de contrôle du terrain de débarquement, à l’extérieur d’Arrakeen. A l’horizon du sud, la première lune brillait comme une pièce d’argent. Juste au-dessous, les collines du Bouclier scintillaient comme autant d’éclats de glace dans la poussière. A gauche, le Duc distinguait les lumières d’Arrakeen qui perçaient la brume, étincelles jaunes… bleues… blanches…
Du~World. 10, 2
Le regard du Duc s’abaissa sur la gauche, vers le paysage convulsé du Bouclier. Aiguilles de rocher, taches jaunes et brunes marquées de crevasses. L’énorme muraille rocheuse semblait avoir été lancée depuis l’espace pour s’écraser là et y demeurer à jamais.
Du~World. 14, 77
Le deuxième élément est visuel. Peu d’entre nous aurons échappé à la représentation cartographique de Dorothy deFontaine qui illustre dès les primes parutions de 1965 toutes publications de Dune. Cartographe de son état, il semble que cela soit sous l’impulsion de l’éditeur de Chilton que ce document est récupéré 2. Cette projection, supposée conique conforme de Lambert, aussi simple et synthétique soit-elle, a littéralement figée la représentation de la planète Arrakis à tel point que même dans les œuvres subséquentes de K.J.Anderson, la face nord n’a que marginalement été redessinée.
La carte et le territoire. Tracer des lignes d’une carte, c’est aussi arrêter et signaler l’existence du territoire. Arrakis naissait ainsi donc sous nos yeux, non plus comme simple grosse boule sablonneuse anonyme perdue au fin fond de l’univers, mais comme un rappel des ébauches approximatives des cartes de navigations arabes ou portugaises que des marins avides de nouvelles conquêtes et richesses parcouraient et redessinaient selon leur routes et selon leur nouvelles découvertes. Incomplète, cette carte cristallise quelque part l’aspect monotone de cette planète mais aussi sa principale particularité: l’erg et le reg. Et à un nord passablement identifié et contrôlé, s’oppose un sud vierge et inexploré, potentiellement dangereux pour les uns ou refuge pour les autres.
Lorsqu’en 1984 sort au cinéma le film de David Lynch, si le générique d’ouverture s’étend su la composante essentielle de la planète, à savoir des dunes, le film suit quelque part la même approche que le roman: la première image de la planète nous apparait de manière informative plus que exploratoire, et en la voyant, en apercevant les tâche couleur caramel et le point blanc au pôle, on ne peut que se remémorer le texte de Frank Herbert . Leur disposition sont un écho direct à la carte de Dorothy deFontaine.
La filmographie renforce aussi un autre élément dans la représentation traditionnelle de Dune: la couleur jaune, orange, fauve de la planète, même si celle -ci peut être partiellement dérivée de celle traditionnelle des grands déserts de sable. Car tous les sables ne sont pas ocres, ni tous les déserts jaune. La couleur de la planète n’est pas explicitement donnée, et environnement de Dune est décrit avec les aspects du sable qui la compose.
Dès lors, les images de la planète Arrakis ont ceci en commun, qu’elles tirent toutes sur des tons jaune-orangé, géologiquement libre ou inspiré de la cartographie originelle. Jusqu’à la parution de l’affiche accompagnant le Dune (2000) TV Mini-Series dans laquelle la collusion ultime est faite: Arrakis, c’est Mars !! D’ailleurs, n’ont elles pas la même couleur et ne sont-elles pas toutes les deux que de grands déserts de sables ?
Pour aller plus loin sur les aspects astronomiques, atmosphérique et géologiques de Arrakis, il existe en premier lieux les appendices du texte, puis la Dune Encyclopedia 3 avec des articles qui approfondissent spéculativement des éléments caractéristiques de la planète. De manière tout aussi scientifique et rationnelle, l’américain et dunophile Sandchigger avait aussi élaboré des conjectures sur ce que Arrakis pourrait et ne pourrait être en terme de taille et position; ses points de vue sont exposés aussi bien sur son blog the Hairy Ticks 4 que lors de discussions sur le forum officiel de dunenovels 5 .
Pour le reste, l’imagination des fans complète le panel des représentations graphiques et artistiques d’un monde sec fait de rocs et de sable qui se situe assurément quelque part beyond your dreams…
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